Investisseurs, méfiez-vous du troupeau!

Cathy Duval |

Investisseurs, méfiez-vous du troupeau!

C'est l'une de ces choses magnifiques qu'on n'oublie jamais une fois qu'on en a été témoin : la migration en masse de centaines de milliers de gnous se déplaçant à travers les plaines de l'Afrique à la recherche d'une nouvelle région où se nourrir. Bien entendu, nous savons pourquoi les mammifères se déplacent en troupeaux : le nombre amène une sécurité. Si un gnou se balade seul, il risque davantage de devenir la proie d'un prédateur. À l'inverse, s'il se déplace avec des milliers d'autres gnous, il y a moins de chances que cela se produise.  Cependant, ce qui fonctionne bien pour les gnous ne fonctionne pas nécessairement bien pour les investisseurs. Il est peut-être vrai que le nombre amène une sécurité, mais avez-vous déjà vu un troupeau se précipiter du haut d'une falaise? C'est malheureusement ce qui peut arriver aux investisseurs lorsqu'ils rejoignent le troupeau.

 

Les humains veulent naturellement appartenir à une collectivité, un groupe de personnes partageant des normes culturelles et socioéconomiques. Ce faisant, nous continuons tout de même d'attacher beaucoup de valeur à notre individualité et au sentiment de responsabilité que nous éprouvons à l'égard de notre propre bien-être. Comment se fait-il que, quand il s'agit d'investissement, les humains sont tentés de suivre le troupeau, que ce soit au sommet d'une reprise économique ou au creux d'un effondrement du marché? La réponse pourrait se trouver dans la tendance naturelle de l'homme à craindre la solitude, ou encore à craindre de manquer quelque chose. Ce genre d'état d'esprit irrationnel pourrait aussi simplement être dû à des émotions primaires mais très puissantes comme la peur, l'avidité et l'envie.

 

Troupeaux humains et bulles du marché

Chacune des bulles les plus tristement célèbres, d’octobre 1929 à la bulle technologique de 1999 et, plus récemment, la bulle immobilière et l'effondrement subséquent du marché en 2008, ont tous découlé d'une mentalité grégaire. Typiquement, elles commencent par un « buzz » qui s'est rapidement transformé en une course pour le sommet alors que le prix des actifs a flambé. Chaque fois, les investisseurs ont été attirés par la montée des prix sans tenir compte de la valeur intrinsèque des actifs. Puis, au fur et à mesure que la valeur nette « sur papier » de leurs amis, voisins et collègues augmentent, la cupidité fini tranquillement par l'emporter sur la peur et les investisseurs achetent donc leurs titres avec des emprunts à effet de levier financier afin de capitaliser eux aussi sur cette occasion « unique ». Pendant ce temps, les contrepartistes, les vendeurs, les courtiers en valeurs mobilières et les courtiers en hypothèques encourageaient cette frénésie en dépit du risque inhérent pour les placements.  Voilà ce que nous avons appris des bulles du passé. Cela dit, même si le monde a bien changé au cours des cinq siècles pendant lesquels il y a eu des bulles documentées, il semble que la nature humaine soit restée la même.

 

Restez à l'écart du troupeau

Le comportement grégaire peut sembler naturel et même rationnel pour les humains, mais, en général, dans le monde de la finance, il peut s'avérer désastreux pour toutes les parties concernées. Bien que nous soyons tous destinés à faire partie d'une collectivité, faire partie d'un troupeau peut en fait nous freiner ou, comme dans le cas des bulles, nous pousser au bas d'une falaise.  Les troupeaux réagissent lentement en cas de crise et, lorsqu'ils le font, c'est souvent sous forme d'un mouvement de panique...

 Il est normal de se sentir isolé et vulnérable quand on voit les masses se déplacer dans une direction différente de la nôtre. Cela nous pousse à douter de la validité de nos choix.  Vous sentiriez-vous différemment si vous saviez qu'ils se dirigeaient vers une falaise en pleine nuit?  Ce n'est pas nécessairement le cas, mais on peut dire qu'en se fondant excessivement sur les médias hyperboliques, les dernières tendances et la performance du marché, les investisseurs risquent de sombrer dans une complaisance aveuglante qui les empêchera de changer de cap avant d'atteindre le bord.